skip to Main Content

Séparatisme : un loi de division

Lors des débats à l’Assemblée nationale sur la loi qui prétend défendre les principes de la République, nous avons assisté à nouveaux aux débats obsessionnels sur le voile que j’ai dénoncé dans mon intervention. Cette loi pointe du doigt nos compatriotes de confession musulmane et jette le trouble en mélangeant le religieux, la sécurité, le respect de l’autorité, l’islam ou encore le terrorisme. Inutile et dangereuse, je voterai avec mes collègues du groupe communiste contre cette loi de division plutôt que de cohésion nationale. Retrouvez un extrait de mon intervention.

Le texte de mon intervention

Permettez-moi, avant tout, et c’est la première fois que je le fais, mais je le fais volontiers, de remercier Jean-Luc Mélenchon pour la qualité de son discours, dont je partage la teneur, un grand discours politique – c’est rare dans cette enceinte –, qui est aussi un grand moment d’éducation populaire, ce qui n’est pas interdit ici, bien au contraire.

Vous le savez, la France pourra toujours compter sur les communistes pour défendre les principes de la République, ceux que les Lumières ont inspirés et que la Révolution française a proclamés : la liberté, l’égalité, la fraternité – principes malheureusement trop souvent oubliés. Vous nous trouverez toujours prêts à faire reculer les obscurantismes et à défendre la liberté de conscience que garantit la laïcité, une laïcité sans adjectif la détournant de ses fins – ni ouverte ni de combat – mais la laïcité, tout simplement, telle que nos prédécesseurs de 1905 l’ont voulue, afin de garantir à tous la liberté de croire ou de ne pas croire.

Mais votre texte s’éloigne de cet état d’esprit, c’est un projet de loi non pas de liberté mais d’autorité, de contrôle et même de stigmatisation, comme les débats obsessionnels sur le voile l’ont largement montré. Ce texte ne tient pas compte de l’avertissement d’Aristide Briand qui disait : « La République ne saurait opprimer les consciences ou gêner dans ses formes multiples l’expression extérieure des sentiments religieux. » Votre réforme ne doit pas nous engager sur un chemin dangereux, demandant aux individus et à la société une neutralité confessionnelle que la laïcité exige en réalité de l’État et de la République.

Non, la laïcité n’a jamais supposé la neutralité religieuse dans l’espace public, elle suppose la neutralité religieuse de l’espace public.

Cette loi jette le trouble plutôt que de conforter les principes qui organisent le contrat républicain établi entre nos concitoyens, clair et intelligible ainsi que le voulait Jean-Jacques Rousseau, permettant de raisonner « dans le silence des passions sur ce que l’homme peut exiger de son semblable, et sur ce que son semblable est en droit d’exiger de lui ». Là où il fallait cette clarté, cette sérénité, vous n’avez eu de cesse d’y substituer le désordre en jetant pêle-mêle dans le même débat enfiévré le religieux, la sécurité, l’islamisme, le respect de l’autorité ou encore le terrorisme. À quoi donc peut bien servir un tel salmigondis qui ne traite sérieusement aucun des sujets évoqués ?

Alors que le pays meurtri par la crise du covid-19 a besoin de cohésion, vous faites une loi de division. Avec ce calcul, vous escomptez tirer quelques bénéfices électoraux en pointant du doigt nos compatriotes musulmans et en soufflant sur de mauvaises braises, dont nous savons bien en France quels terribles incendies elles peuvent rallumer. Ne comptez pas sur nous pour mettre une once de charbon sur ces braises dangereuses.

Pourtant, comme nous l’avons démontré en première lecture, nous étions prêts à prendre au sérieux le discours d’Emmanuel Macron prononcé aux Mureaux. Il y pointait certaines des causes réelles du séparatisme que nous observons, comme l’abandon des quartiers populaires, où la promesse de la République n’a plus été tenue. En écartant ce sujet, votre texte se condamne à la plus totale inefficacité. On n’y trouve rien pour s’attaquer aux discriminations, au racisme et aux entorses parfois quotidiennes à l’égalité entre les citoyens. C’est pourtant, de l’aveu même du Président, le carburant de tous les discours séparatistes.

Rien sur les inégalités, au moment où le rapport Tirole-Blanchard s’inquiète de la bombe à retardement qu’elles constituent. Votre gouvernement semble ne retenir des propositions de ces économistes que les plus conformes à sa pente libérale.

Rien non plus pour s’attaquer au séparatisme social qui conduit à entasser la misère dans les mêmes cités et à mettre à l’abri les plus aisés dans les mêmes quartiers. Plongez vos regards dans l’abîme qui sépare désormais certains territoires, les beaux quartiers parisiens d’un côté et ceux de la Seine-Saint-Denis de l’autre, où je vis depuis plusieurs décennies et où j’ai élevé mes enfants. Ne voyez-vous pas que c’est là que réside le séparatisme le plus profond ? Entendez, enfin, les mots de Jean Jaurès, puisqu’on le cite désormais plus souvent qu’on ne semble le comprendre : « La République doit être laïque et sociale, elle restera laïque parce qu’elle aura su être sociale. »

Rien, donc, pas la moindre disposition pour défaire les ghettos ni pour lutter contre les ruptures d’égalité républicaine dont souffrent des territoires comme le mien, que les services publics ont progressivement désertés. Pourtant, c’est bien dans ces quartiers que les services publics sont les plus ardemment désirés et les plus nécessaires.

Rien enfin sur l’école, qui est de moins en moins le lieu de l’émancipation sociale mais de plus en plus celui de la reproduction sociale, celui de l’assignation. L’école publique ne cesse de s’affaiblir dans notre pays, alors qu’elle est la première des promesses républicaines. Je vous assure que, dans le département de la Seine-Saint-Denis, comme malheureusement ailleurs en France, l’affaiblissement de l’école publique fait beaucoup plus pour le discrédit de la République que bien des discours séparatistes. En Seine-Saint-Denis, un élève aura l’équivalent d’une année scolaire entière sans professeur entre le CP et la troisième, faute de remplaçants.

Alors que – c’est un chiffre que j’ai obtenu la semaine dernière – la croissance démographique de la Seine-Saint-Denis ne cesse de s’amplifier, à la rentrée prochaine 1 300 enfants de ce département vont fuir l’école publique. Une mère me disait récemment, facture à l’appui, qu’elle avait payé pendant six mois des cours particuliers à son enfant de cinquième, faute de professeur de mathématiques pendant plus de six mois. Et, tout compte fait, elle inscrira son enfant à l’école privée, parce que cela lui reviendra à peu près le même prix que les cours particuliers auxquels elle a recouru afin de pallier les déficiences de l’école publique.

Voilà la réalité, voilà des éléments qui disent mieux que tous les discours ce qui nourrit la désespérance. Voilà ce qu’il faut régler, voilà le débat sérieux, utile, attendu que nous aurions pu avoir et qui aurait mis sur le reculoir les discours séparatistes et ceux qui les professent.

À la place, vous allez de nouveau instrumentaliser le débat législatif pour lancer la campagne de 2022 et trianguler jusqu’à plus soif pour installer par tous les moyens le duel entre Emmanuel Macron et Mme Le Pen. Avec Gramsci, nous vous mettons en garde : les défaites morales précèdent toujours les défaites politiques.
Pour toutes ces raisons, le groupe GDR votera contre ce texte.

Explication de vote

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Back To Top