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Allocution en hommage à Auguste Delaune

Monsieur le Maire,

Mesdames et messieurs les élus,

Mesdames et messieurs,

Grand sportif, figure essentielle du mouvement de démocratisation du sport en France, militant communiste, mais également martyr de la résistance, Auguste Delaune a profondément marqué l’histoire de notre pays, et bien sûr celle de notre ville : Saint-Denis.

Je veux remercier la FSGT d’avoir pris l’initiative de cet hommage, 80 ans après l’assassinat d’Auguste Delaune par la Gestapo.

Partout en France, comme ici même à Saint-Denis, nos enfants fréquentent des équipements sportifs, des stades, des gymnases et des piscines qui portent le nom d’Auguste Delaune, mais sans toujours connaître le parcours hors norme de cet homme. Cette initiative contribue donc très opportunément à raviver les mémoires.

Apprenti soudeur et militant des jeunesses communistes, c’est à 18 ans que le jeune Auguste Delaune arrive avec ses parents à Saint-Denis. Dès le début, engagement politique et engagement pour le sport et ses valeurs sont chez lui indissociablement liés. Son engagement politique, et celui auprès de la FST puis de la FSGT dont il fut le premier responsable sont donc pour lui deux dimensions d’un même combat. Le sport comme la lutte pour le progrès humain sont porteurs d’idéal et d’engagement. Le tempérament d’Auguste Delaune le portera naturellement de l’un à l’autre.

Son choix de l’émancipation humaine le conduit donc avant tout à contribuer à faire sortir le sport du ghetto social dans lequel il est pour l’essentiel cantonné en ce début de XXe siècle : une activité à laquelle seule la bonne société a le loisir de s’adonner.

Sa conviction : le sport doit devenir une activité de détente et de loisir ouverte à tous. C’est aussi une question de santé publique. Mais dans son esprit, le sport est également pour l’ouvrier, un outil d’émancipation, et le moyen de se réapproprier son propre corps, jusqu’alors tout entier soumis à la seule mécanique de l’appareil productif, de la chaîne, de la mine, de l’usine.

Les conquêtes sociales, celle du temps libre notamment, sont dès lors indissociables de ce combat. Le Front populaire sera un immense point d’appui pour que cette libération par le sport puisse prendre un premier essor dans le pays, et Auguste Delaune y apportera sa pierre en siégeant au Conseil supérieur des sports, travaillant aux côtés du ministre socialiste Léo Lagrange.

Il contribuera ainsi à formuler et à mettre en œuvre des propositions essentielles qui façonnent, aujourd’hui encore, la pratique sportive dans notre pays : par exemple la création des centres de formation des professeurs d’éducation physique, ou encore celle du brevet sportif populaire.

C’est aussi sous son impulsion que les premières politiques municipales en faveur du sport voient le jour. Il fixe un cap, je cite : « Les sportifs doivent avoir à leur disposition des salles de gymnastes, des terrains, des stades, des plaines de jeux, des piscines qui permettront de rendre obligatoire la natation dans les écoles, ce qui diminuera les noyades en France. » Près de 90 ans plus tard, il reste encore un peu de chemin à parcourir, notamment en Seine-Saint-Denis, pour que cet objectif si essentiel soit atteint.

Aujourd’hui, alors même que notre pays a la chance d’accueillir les Jeux olympiques et paralympiques, nous voyons bien le rôle décisif que joue cette éducation populaire du plus grand nombre par le sport. Utile aussi bien pour l’épanouissement personnel, pour faire société en respectant les règles communes, et espérons-le pour préparer et susciter au mieux le haut niveau sportif et les bons résultats.

Mais ces Jeux « Paris 2024 » qui viennent, dans un monde parcouru de soubresauts, nous rappellent un autre enjeu décisif auquel le sport nous prépare : il est aussi une culture de l’internationalisme et de la paix. Le stade est ainsi le dernier lieu où même les peuples qui s’affrontent par les armes, peuvent encore se rencontrer. Le sport est pour toutes et tous, un point de contact par delà les différences, une langue commune, celle du goût du jeu, de la rencontre, de la solidarité, du beau geste et du respect.

Là aussi, l’engagement d’Auguste Delaune en témoigne puisqu’il organisera la délégation française aux Jeux populaires de Barcelone en 1934. Il engagera dans la foulée la campagne de boycott des Jeux de Berlin, devenus une immense entreprise de communication au service du projet hitlérien exaltant le nationalisme et la race, plutôt que « la grande paix humaine » dont l’olympisme est porteur, pour reprendre les mots de Jaurès.

Il ira jusqu’au bout de ce combat contre le fascisme et le nazisme. Mobilisé en 1939, il fait partie des soldats évacués à Dunkerque, mais demande à débarquer en Bretagne. Il est décoré de la Médaille militaire et de la Croix de guerre. Arrêté puis évadé fin 1941, il rejoint la résistance en Picardie, en Normandie, puis en Bretagne. Dans la clandestinité, le sport continue de l’inspirer : il organise le réseau « Sport Libre », dénonçant la politique de collaboration dans le sport et les persécutions dont sont victimes les sportifs juifs.

Il tombe finalement dans un guet-apens tendu par la police française. Blessé puis torturé par la Gestapo sur son lit d’hôpital, il meurt le 12 septembre 1943, « sans avoir desserré les dents » ni révélé son identité : ses bourreaux croiront même avoir abattu un certain Paul Boniface, un nom d’emprunt.

Cité à l’ordre de la Nation et fait Chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume, la ville de Saint-Denis fit rapatrier la dépouille d’Auguste Delaune ici même à Saint-Denis, où les municipalités qui se sont succédé font comme aujourd’hui encore, vivre dignement sa mémoire.

Exemple d’engagement, exemple sportif, mais aussi exemple républicain, je veux dire comme élu de la représentation nationale et comme habitant de Saint-Denis, mon admiration pour l’homme, ma reconnaissance pour la tâche accomplie, et l’honneur qui m’est fait ici de contribuer à cet hommage.

Je vous remercie.

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