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Vote en-ligne : attention danger

Je me suis opposé début février à une proposition de loi visant à mettre en œuvre le vote en-ligne en France, une solution gadget qui ne compensera pas le désintérêt de nos concitoyens dans un contexte d’abstention.

En outre, le vote en-ligne porte ouverte à toutes les manipulations notamment liée en raison de possibles cyber-attaques, venues de l’étranger ou de groupes de pression. Par ailleurs, il porte atteinte à la sincérité du vote, par exemple en rendant possible le vote sous le regard de proches ou de personnes susceptible d’influencer le votant.

Pour que les citoyennes et les citoyens retournent aux urnes, il faut d’autres mesures de fond que de céder à la mode du solutionnisme et nous engager pour une VIe République.

Le texte de mon intervention

Nous achevons cette journée en nous consacrant à l’étude d’un texte important, bien plus, en tout cas, que son titre ne le suggère. Car, s’il est bien question du rétablissement du vote par correspondance, abrogé en France en 1975, à la suite de nombreuses fraudes électorales, la proposition de loi dont nous discutons propose surtout d’instaurer le vote en ligne. C’est sur ce dernier point que je veux m’attarder, considérant que ce débat risque de devenir récurrent dans les prochains mois si, par malheur, nous étions amenés à revivre une crise sanitaire. Au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je souhaite vous démontrer que le vote en ligne est une très mauvaise idée, qui pourrait aggraver encore un peu plus le désenchantement démocratique éprouvé par les Français.

D’abord parce que, contrairement à ce que ses promoteurs font croire, le vote en ligne est une réponse technique à un problème politique de grande ampleur. Il ne peut donc pas agir comme une baguette magique et corriger les taux d’abstention record que nous avons connus au cours des dernières élections. Ce fait se vérifie d’ailleurs à la lumière des comparaisons internationales. En Estonie, là où le vote par internet a été généralisé, le taux de participation n’a connu aucune amélioration significative. Il a, en revanche, occasionné de nombreuses fraudes électorales, comme cela pourrait être le cas dans notre pays si, demain, il était décidé d’instaurer le vote en ligne. C’est pour cette raison que le législateur a sagement décidé d’abroger le vote par correspondance en 1975. J’ajoute que, dans le contexte international que nous connaissons, nos élections pourraient devenir la cible de cyberattaques, ce qui remettrait très gravement en cause notre souveraineté.

Le vote en ligne porte également atteinte au secret du vote et donc à la sincérité du scrutin. Car qui dit vote en ligne dit fin de l’isoloir, objet essentiel dans l’organisation de notre vie démocratique. En effet, l’isoloir a été imaginé comme un moyen de contrer la notabilisation du champ politique, intervenue après l’instauration du suffrage universel masculin lors de la révolution de 1848. Souvenez-vous des célèbres écrits de Tocqueville, lui-même candidat aux élections pour siéger à l’Assemblée constituante : tous les villageois étaient alors emmenés aux urnes par les notables ou par le prêtre, en file indienne, afin que l’on s’assure que les votes aillent au bon candidat. C’est précisément pour lutter contre cette logique censitaire que l’isoloir a été instauré en 1913. Il fallait trouver un moyen de lever toutes les contraintes qui pesaient sur les électeurs.

Mais ces contraintes reviendront par la grande porte avec le vote en ligne, dans la mesure où rien ne pourra garantir un vote secret et indépendant à des électeurs qui voteront sous le regard de proches ou de personnes en mesure de les contraindre ou de les influencer. Je pense notamment aux personnes âgées, moins à l’aise avec les nouvelles technologies, et donc cibles de choix pour des personnes malveillantes.

Enfin, et je terminerai par-là, le vote électronique nous semble emblématique du mouvement d’atomisation de la vie politique et du triomphe du libéralisme et de l’individualisme sur le républicanisme, qui entendent transformer les citoyens en individus, laissés à bonne distance des institutions et des affaires publiques.

Nous voulons, pour notre part, préserver ce moment collectif et si particulier de notre vie politique, en renvoyant les citoyennes et les citoyens aux urnes. Pour y parvenir, nous devons procéder, sans tarder, à une rénovation institutionnelle de grande ampleur, tant notre démocratie est malade d’un présidentialisme qui étouffe les aspirations des citoyens. C’est pourquoi nous proposons de changer de République et d’instaurer un vrai régime parlementaire.

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