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Individualiser l’AAH : une mesure très attendue

J’ai ce matin, présenté en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, la proposition de loi dont je suis co-rapporteur visant à individualiser l’Allocation Adulte Handicapée (AAH).

En effet, les personnes qui touchent l’AAH voient leur allocation calculée selon les revenus de leurs conjoint·es, produisant pour de trop nombreuses personnes en situation de handicap, d’inadmissibles situations de dépendance.

L’ensemble des groupes de la gauche mais aussi Les Républicains et l’UDI sont prêts à voter cette loi, mais pour l’instant, la majorité La République en Marche tente de faire obstacle à l’adoption de cette loi le 17 juin prochain lors de son examen dans l’hémicycle.

Je compte sur la mobilisation de toutes et tous d’ici là, et tout particulièrement les 1,2 millions d’allocataires AAH, notamment en signant la pétition.

Retrouvez également la conférence de presse en présence de Jeanine Dubié (Députée de Haute-Garonne), la co-rapporteure de la proposition de loi et Philippe Mouillié (Sénateur des Deux-Sèvres).

Le texte de mon intervention

Madame la présidente,
Chers collègues,

Pour reprendre les mots de M. René Lenoir, alors secrétaire d’État auprès de la ministre de la santé Simone Veil, lorsqu’il défendait en 1974, la mise en place de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) par la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées, « la dignité de tout homme dépend de son degré d’autonomie, et l’autonomie suppose des ressources suffisantes ».

Ce droit à l’autonomie est aujourd’hui largement bafoué en raison du mode de calcul actuel de l’AAH, prestation versée aux personnes en situation de handicap dont le taux d’incapacité est d’au moins 50 %. En effet, le montant de cette allocation est calculé en tenant compte des revenus du bénéficiaire et de son conjoint. Dès lors, si les revenus du couple dépassent un certain plafond, l’AAH est amputée proportionnellement ou n’est plus perçue par le bénéficiaire. Vivre en couple ou être indépendant financièrement : voilà le choix que le gouvernement impose aux personnes handicapées. Ce « prix de l’amour » dénoncé depuis trop longtemps, nous parait inacceptable.

Il est en effet intolérable que de nombreuses personnes en situation de handicap renoncent au couple, ou à la cohabitation, dans la crainte de voir leur allocation diminuer, voire disparaitre

Il n’est pas non plus acceptable de maintenir en vigueur des règles de calcul contraires à l’autonomie et la dignité des personnes. En effet, ces règles tendent à enfermer les personnes en situation de handicap dans une situation de dépendance vis-à-vis de leur conjoint, particulièrement difficile à vivre. Au-delà des frais de santé, il s’agit du quotidien entier qui dépend du conjoint : se vêtir, avoir un téléphone personnel, aller au cinéma, boire un verre avec des amis… n’y a-t-il pas là une atteinte intolérable aux libertés individuelles ? Aux souffrances liées à la maladie et au handicap, s’ajoutent souvent un sentiment de honte et d’inutilité face à l’impossibilité de contribuer aux ressources du foyer.

Dans le cas des femmes en situation de handicap victimes de violence, cette dépendance financière peut s’avérer dramatique. En effet, la dépendance financière conduit souvent à une dépendance psychologique. Et il est d’autant plus difficile de s’extraire de situations d’abus et de violence, sans ressources propres et avec des délais de plusieurs semaines pour récupérer une AAH à taux plein.

Il faut rappeler enfin, que ces règles de calcul sont contraires aux engagements de la France en matière de protection des droits humains. Selon la Convention nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), la persistance du mode de calcul actuel va ainsi à l’encontre des principes de la convention internationale des droits des personnes handicapées (CIDPH) et ne respecte pas les droits à la dignité, à l’autonomie, à la possibilité de faire librement ses propres choix, à disposer d’un niveau de vie adéquat. Cela entrave tout simplement le droit à fonder une famille ou vivre en couple.

L’individualisation de l’AAH constitue une demande de longue date des personnes en situation de handicap, réclamée par de très nombreuses associations. Elle a déjà été proposé par notre collègue Marie-Georges Buffet en 2018 et par la sénatrice Laurence Cohen en 2019. Je suis aujourd’hui particulièrement honoré, dans le cadre de la niche du groupe GDR, d’être le rapporteur de la proposition de loi de Jeanine-Dubié, portée en première lecture à l’Assemblée nationale par le groupe Libertés et Territoires.

Le texte issu du Sénat, qui comporte, d’autres avancées significatives, comme le report de 60 à 65 ans de la barrière d’âge à partir de laquelle il n’est plus possible de solliciter la PCH ainsi que des mesures de soutien aux sportifs en situation de handicap, nous parait particulièrement équilibré. La navette parlementaire a ainsi permis d’améliorer et d’enrichir le texte, en rétablissant la majoration de l’AAH pour les personnes à charge et en établissant une période transitoire pour les 44 000 personnes estimées perdantes de la réforme de l’individualisation. Nous appelons dès lors fermement à voter ce texte conforme.

Dans ce contexte, nous nous opposerons à l’abattement forfaitaire proposé par la majorité présidentielle et le Gouvernement, qui maintient le statu quo et ne revient en rien sur la conjugalisation de l’AAH. Nous souhaitons par ailleurs nous opposer fermement aux arguments utilisés contre l’individualisation de l’AAH : non, dans son principe même comme dans ses règles de fonctionnement, l’AAH n’est pas un minima social mais une prestation d’autonomie. Elle s’adresse à des personnes qui se trouvent durablement sans ressources, car leur éloignement de l’emploi est souvent irréversible.

Le Président de la République a lui-même reconnu le caractère unique de cette prestation, en l’écartant du chantier relatif au Revenu universel d’activité lors de la conférence nationale du handicap de février 2020.

Nous nous trouvons dès lors face à un choix : maintenir un mode de calcul obsolète et injuste ou reconnaître une fois pour toutes le droit à l’autonomie des personnes en situation de handicap.

L’individualisation de l’AAH constituerait une réforme historique et très attendue. Elle fait l’objet d’une forte mobilisation. Il faut ainsi rappeler que la pétition pour la déconjugalisation de l’AAH, publiée sur le site du Sénat, est la première à avoir atteint le seuil de plus de 100 000 signatures et les trois pétitions sur le site de l’Assemblée nationale, en rassemblent aujourd’hui plus de 30 000. Dans une tribune publiée le 24 mars 2021, le collectif Objectif Autonomie a par ailleurs appelé les députés à « considérer les personnes handicapées comme des citoyens à part entière et à leur permettre de mener une vie digne et autonome ! » (1) J’invite dès lors, chacun des députés à répondre à l’appel qui nous est lancé et à se prononcer en faveur d’une véritable mesure de justice , tant attendue par les personnes en situation de handicap.

1()Dans le magazine Neonmag.

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