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Protection des victimes de violences conjugales

L’Assemblée nationale a examiné un projet de loi sur la protection des victimes de violences conjugales, un sujet d’autant plus important que le nombre de féminicides augmente et que le phénomène de violences s’aggrave.

En dépit de quelques réserves réelles, notamment sur la levée du secret médicale qui risque d’entamer le rapport de confiance entre la victimes et son médecin, je me suis prononcé favorablement à ce projet de loi qui comporte de nouvelles avancées, réclamées de longue date par de nombreuses associations.

Je pense en particulier la procédure de médiation familiale en cas de violences conjugales, au renforcement de la lutte contre le harcèlement mais aussi à la saisie des armes en cas de violences avec l’interdiction de géolocaliser une personne sans son consentement.

Le texte de mon intervention

Cette proposition de loi, annoncée en conclusion du Grenelle des violences conjugales, s’inscrit dans la lignée des propositions de loi examinées par notre assemblée ; elle vient après l’adoption, à l’unanimité, de la proposition de loi d’Aurélien Pradié visant à agir contre les violences au sein de la famille, devenue la loi du 28 décembre 2019.

On doit d’abord se réjouir du consensus républicain autour d’une question aussi grave. Alors que le nombre de féminicides augmente et que le phénomène massif des violences intrafamiliales s’aggrave, l’urgence de la situation nous engage tous à agir au plus vite.

Si l’arsenal législatif de lutte contre les violences conjugales s’est considérablement renforcé depuis quinze ans, l’efficacité de nos dispositifs mérite cependant d’être examinée. Il faut faire évoluer notre droit et nos dispositifs de protection pour mieux prendre en considération la spécificité de ces violences. La protection des victimes de violences conjugales reste encore trop aléatoire et inégale selon les territoires ; elle varie en fonction de la plus ou moins grande implication des professionnels rencontrés, qu’il s’agisse des policiers, des gendarmes, des procureurs, des juges ou même des avocats. Leur formation et leur sensibilisation à ce fléau constituent, de notre point de vue, une priorité.

Nous approuvons à la fois l’objectif et la plupart des dispositions du texte qui sont, pour beaucoup, l’aboutissement d’une longue mobilisation menée par de nombreuses associations. Je pense, en particulier, à l’interdiction de la procédure de médiation familiale en cas de violences conjugales, mais aussi à la saisie des armes en cas de violences au sein du couple ou au renforcement de la lutte contre le harcèlement au sein du couple avec l’interdiction de géolocaliser une personne sans son consentement exprès.

Notre principale réserve sur cette proposition de loi a trait à la levée du secret médical. Le texte autorise les personnels de santé à porter à la connaissance du procureur de la République leur conviction qu’une personne serait victime de violences au sein de son couple et qu’elle se trouverait en danger immédiat et sous l’emprise de leur auteur supposé.

Cette disposition pose problème. Le principe du secret médical est fondamental car il garantit au malade une liberté de conversation absolue avec le praticien, sans besoin de dissimuler quelque affection ou pratique dont la révélation publique entraînerait pour l’intéressé des conséquences familiales, professionnelles ou sociales. La levée du secret médical pourrait, dès lors, entacher la confiance entre le patient et le professionnel de santé. Le dispositif proposé pourrait s’avérer contreproductif – j’emploie à dessein le conditionnel – voire néfaste, dans la mesure où les femmes victimes pourraient ne plus oser se confier au professionnel de santé et rejeter son aide, ce qui accentuerait leur isolement.

En outre, un signalement sans ou contre l’avis de la patiente pourrait mettre en danger la femme et ses enfants victimes de violences conjugales s’ils ne sont pas immédiatement protégés, mis en sécurité. Or, compte tenu du manque de places d’hébergement d’urgence et des dysfonctionnements relevés par le rapport de l’Inspection générale de la justice, paru en octobre dernier, sur les homicides ou tentatives d’homicides conjugaux en 2015 et 2016, on ne peut être qu’inquiet.

Aussi, plutôt que d’inciter les professionnels de santé à dénoncer ces violences à la place des victimes, il nous semblerait plus opportun de les encourager à accompagner les victimes de violences conjugales dans leur démarche de dépôt de plainte. Il serait bon qu’ils soient davantage formés, en lien avec la police, la justice et les associations. Je m’appuie ici sur l’expérience très intéressante de la Maison des femmes, à Saint-Denis, qui a mis en place des dispositifs de ce type, en lien avec la police et le parquet – mais c’est toujours la victime qui, in fine, fait la démarche de porter plainte.

Comment ne pas revenir sur le décret du 27 mai 2020, qui a suscité une vague d’indignation légitime ? Il instaurait une nouvelle exigence indéniablement contraire à l’intérêt des victimes de violences conjugales et à l’esprit de la loi du 28 décembre 2019. Un décret rectificatif daté du 3 juillet 2020 a été publié pour traiter ces difficultés, mais ce n’est que grâce à la vigilance et à la persévérance des associations, des professionnels et des élus que le Gouvernement a finalement fait marche arrière.

En définitive, au-delà de ces dispositifs juridiques, des moyens budgétaires conséquents doivent être dégagés afin de lutter efficacement contre les violences conjugales. Rappelons que, selon le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, au moins 500 millions d’euros par an seraient nécessaires pour protéger les femmes qui portent plainte.

En dépit de ces remarques et de ces quelques réserves, le groupe GDR votera, une nouvelle fois, cette proposition de loi.

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