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Nomination des dirigeants d’entreprises publiques : recul du pouvoir de contrôle parlementaire

L’article 13 de la constitution ouvre un droit de contrôle relativement restreint au Parlement sur le pouvoir du Président de la République de nomination des principaux dirigeants d’entreprises publiques. Lors de l’examen du projet de loi organique, j’ai mentionné les nouvelles restrictions du contrôle des députés, notamment sur la société SNCF Réseau ou la Française des jeux.

Le texte de mon intervention

Je commencerai par rappeler que, selon les députés communistes, il serait très exagéré de parler de droit de contrôle du Parlement concernant le pouvoir de nomination du Président de la République tel que défini à l’article 13 de la Constitution.

En effet, pour qu’une nomination soit rejetée, il faut que les avis négatifs représentent au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions du Sénat et de l’Assemblée. Avec une telle règle, les présidents de la République ont les coudées franches pour opérer toutes les nominations qu’ils jugent nécessaires et appropriées.

Cette situation est d’autant plus regrettable que nos concitoyens expriment leur désir de transparence et leurs doutes toujours plus vifs à l’égard des institutions. Ils n’ont pas toujours tort. En dépit des quelques dispositifs de contrôle, il y a, pour reprendre une expression dans l’air du temps, « des trous dans la raquette », comme différentes affaires l’ont malheureusement rappelé récemment.

C’est pourquoi, pour donner quelque sens à la responsabilité qui nous est confiée, il conviendrait d’abandonner le système actuel, qui prévoit le rejet d’une nomination si les suffrages négatifs représentent trois cinquièmes des voix, et d’y substituer une logique positive : une proposition de nomination ne serait adoptée que si elle recueillait trois cinquièmes des votes. Nous faisons nôtre cette suggestion de bon sens, à la suite de Claude Bartolone et Michel Winock, qui animèrent en 2015 un groupe de travail sur l’avenir des institutions.

Un autre point confirme l’existence d’un problème de contrôle. Le projet de loi organique qui nous est soumis anticipe les conséquences de trois ordonnances qui n’ont pas encore été ratifiées. Elles portent sur des sujets aussi importants que la police des jeux et la réorganisation complète de la SNCF. Pire, par ce texte, il nous est demandé de prendre acte de dispositions législatives qui n’ont pas été votées, notamment la fusion de la HADOPI et du CSA, projet discutable. Ce projet de loi s’inscrit ainsi dans la mode du texte à trous ! Ce n’est selon nous ni sérieux, ni respectueux du rôle du Parlement, mes chers collègues.

Sur le fond, les dispositions qui nous inquiétaient particulièrement ont été maintenues dans la version finale du texte ; elles touchent à des acteurs centraux de la vie économique et sociale du pays. Je pense d’abord à la réduction du périmètre du contrôle sur la nomination des dirigeants du groupe SNCF, périmètre que le Sénat avait à juste titre tenté de maintenir. S’agissant d’une activité stratégique – je pense notamment aux infrastructures gérées par SNCF Réseau –, et alors que le secteur va malheureusement s’ouvrir un peu plus à la concurrence, le bon sens aurait commandé que la forte implication des pouvoirs publics soit confirmée.

Vous parlez d’aligner la SNCF sur le droit commun des entreprises pour justifier le désengagement proposé dans ce texte. Cela confirme que la transformation de la SNCF en société anonyme signait un désengagement désastreux de l’État. Vous prétendez par ailleurs faire ce choix au nom de l’indépendance de la SNCF ; mais être indépendant du Parlement, mes chers collègues, c’est l’assurance d’une servitude nouvelle !

En ce qui concerne la Française des jeux, vous avez bien sûr une certaine logique pour vous. Vous considérez que  le Parlement ne devrait plus émettre d’avis sur la nomination de son président-directeur général et présentez cela comme une simple conséquence de la privatisation du groupe.

Ce discours n’est pas conforme aux engagement pris lors des débats au Parlement : je rappelle qu’en commission et dans l’hémicycle, le ministre Bruno Le Maire avait assuré que le Parlement garderait la main sur la nomination du patron de la Française des jeux.

Vous vous appuyez aujourd’hui sur une logique bien superficielle s’agissant d’une activité dont l’État n’aurait pas dû se désengager, compte tenu des multiples enjeux qu’elle recouvre. Nous étions opposés à cette privatisation ; nous refusons bien sûr de perdre un droit de regard sur la nomination des dirigeants qui organiseront en France ce commerce si particulier des jeux de hasard.

Vous l’avez compris mes chers collègues, si le projet de loi organique présente quelques avancées – le Parlement donnera désormais son avis concernant les nominations à la CADA et à l’Office français de l’immigration et de l’intégration –, celles-ci ne suffisent pas à dissimuler les reculs qu’il sanctionne et l’affaiblissement continu du rôle du Parlement qu’il confirme.

Pour ces raisons, nous ne voterons pas ce projet de loi organique.

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