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Vote de la loi de confiance dans la Justice

La loi dite de « Confiance dans la justice » qui prétend rapprocher citoyen et justice rate sa cible. Malgré quelques avancées, elle ne donne pas à la justice les moyens qui lui font défaut, en particulier la justice civile.

En outre, elle risque de conduire à la fin des cours d’assises qui sont un moyen d’une implication populaire dans la vie d’une institution essentielle de notre République.

Une loi inutile et dangereuse donc, d’autant plus que nous vivons un moment de grave remise en cause du principe de séparation des pouvoirs.

Le texte de mon intervention

M. le Président,

M. le Ministre,

Mmes et M. les rapporteurs,

Chers collègues,

La confiance dans l’institution judiciaire ne se décrète pas, elle se construit, elle se mérite.

Dans un contexte où plus de six Français sur dix considèrent que la Justice fonctionne mal, et alors que moins de la moitié lui font confiance, il faudra bien plus qu’une énième loi d’affichage, élaborée à la va-vite, sans concertation avec les professionnels et examinée en procédure accélérée, pour répondre aux besoins impérieux de la Justice.

Monsieur le Ministre, votre réforme est en décalage total avec la réalité des besoins de celle-ci, raison pour laquelle le texte est contesté par l’ensemble des professionnels de la justice qui dénoncent un projet « fourre-tout », « sans ambition » et « mal rédigé ».

C’est une loi de communication, nous l’avons vu jusque dans les amendements que vous avez fait adopter, sous l’injonction scandaleuse de certains syndicats de police, donnant ainsi un retentissement supplémentaire à cette mauvaise musique selon laquelle la justice serait le problème et non la solution. Pourtant comme le dis Pascal « la justice sans la force c’est l’impuissance, la force sans la justice, c’est la tyrannie ».

Je vous le dis d’autant plus tranquillement M. le Ministre que personnellement, je me suis associé à l’hommage citoyen aux policiers tombés…

C’est aussi une loi inutile, et depuis Montesquieu que visiblement certains manifestants ont oublié de lire, nous savons que les lois de cette espèce affaiblissent les lois nécessaires.

C’est surtout une loi du déni, une loi du refus de recruter les greffiers et magistrats qui font défaut afin que cette institution soit en mesure de remplir enfin sa mission dans des conditions et délais satisfaisants pour les justiciables.

Certes, le texte comporte quelques mesures intéressantes, comme le contrat d’emploi pénitentiaire, le renforcement du contradictoire au cours de l’enquête préliminaire, la captation des audiences, même si nous déplorons, à cet égard, que nos amendements visant à garantir le caractère éthique de leur diffusion n’aient pas été adoptés.

Mais ces avancées sont de peu de poids face aux renoncements, s’agissant de la réforme du parquet et la réforme des « remontées d’information » des juridictions vers la chancellerie.

Vous prétendez rapprocher citoyens et Justice, mais certaines dispositions du texte produiront l’inverse, comme la généralisation des cours criminelles départementales qui acte la suppression des cours d’assises dans la plupart des affaires. L’extension de ces cours criminelles, c’est tout simplement, « la mort de la cour d’assises » pour reprendre les mots que vous avez prononcés il y a un an, Monsieur le Ministre.

De même, nous considérons que le nouveau régime « incitatif » de réduction de peine sera lui-même contre-productif. Ilmodifie en effet profondément les modalités d’octroi des réductions de peines, avec des conséquences très lourdes, tant pour les détenus que pour les services d’application des peines qui seront, faute de moyens, incapables d’assurer pleinement cette nouvelle charge.

Enfin, si nous avons salué le nouveau statut accordé au travailleur détenu, lequel fait l’objet depuis de trop nombreuses années de dérives inacceptables, nous regrettons que sur des questions essentielles telles que la rémunération de ces travailleurs ou la durée du temps de travail, le Parlement ait été complètement dessaisi.

C’est la règle d’or de votre gouvernement que d’écarter le Parlement lorsque les enjeux deviennent importants.

Enfin, je veux évoquer la grande oubliée de cette loi, la justice civile, c’est-à-dire la justice du quotidien de millions de nos concitoyens.

Comment prétendre réconcilier le peuple avec l’institution judiciaire sans donner à cette dernière les moyens de défendre les intérêts des justiciables ?

Votre martingale est toujours la même : déjudiciariser plutôt que de doter convenablement une justice civile asphyxié. Dans mon département de Seine-Saint-Denis, il nous importe bien moins que les audiences soient filmées et bien plus qu’elles se tiennent en temps et en heure.

Vous faites le choix de vous épargnez la peine d’octroyer les moyens de traiter cette réalité. Alors, nous nous épargnerons celle de voter votre loi.

Je veux, M. le Ministre, finir mon intervention sur une interrogation un peu solennelle. Nous examinons cette loi qui traite d’une institution essentielle à notre République alors qu’il souffle un vent mauvais sur le pays, et au moment même où, aux portes de l’Assemblée, on appelle à « faire sauter les digues de la loi et de la constitution ».

J’ai, cet après-midi, interpellé le chef du gouvernement, sans réponse de sa part. Alors je m’adresse à vous, M. le Garde Sceaux qui êtes le garant de nos lois les plus fondamentales : serez-vous cette digue, allez-vous vous souvenir des mots de Montesquieu : « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses le pouvoir arrête le pouvoir » ?

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