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Loi Sécurité globale : une police de riches pour les riches, une police de pauvres pour les pauvres

Lors du nouvel examen du projet de loi sur la sécurité global aujourd’hui, j’ai eu l’occasion d’exprimer les inquiétudes et regrets des députés communistes à propos d’une loi aussi inefficace que dangereuse.

Parce que la sécurité doit s’appliquer sur tout le territoire, la poursuite du transfert des compétences de la police nationale et de la gendarmerie vers les collectivités et des société de sécurités privées fait courir le risque d’une police de riches pour les riches et d’une police de pauvres pour les pauvres.

Nous attendons encore la grande loi qui donnera les moyens attendus par les policiers sur le terrain, et qui rétablira le lien de confiance de notre peuple et sa police trop souvent perçue comme une police d’état au service du pouvoir.

Retrouvez mon intervention dans l’hémicycle.

Le texte de mon intervention

Les députés communistes, qui sont bien souvent élus de villes et de quartiers populaires, sont partisans de la sécurité publique, seule à même de protéger les habitants, notamment les plus vulnérables, ainsi que leurs biens. Nous sommes a fortiori partisans d’une sécurité qui se présente comme globale, puisque pour nous la sécurité réside aussi dans l’abri d’un toit, dans le droit de pouvoir se soigner grâce à une sécurité sociale renforcée ou encore dans celui de regarder l’avenir avec confiance grâce à la sécurité d’une digne indemnisation du chômage.

Mais puisqu’il s’agit ici de police, nous considérons, comme nous l’avions expliqué en première lecture, que votre texte passe à côté de ce qui devait être ses priorités : premièrement, rétablir l’indispensable lien de confiance entre la police et la population ; deuxièmement, assurer l’égalité républicaine sur l’ensemble du territoire national, en particulier dans les quartiers populaires ; et troisièmement, éviter tout risque que la police soit de plus en plus perçue comme une police de l’État au service du pouvoir et non une police du peuple au service du peuple.

Vous prétendez clarifier et mettre en cohérence le rôle des forces qui concourent à la sécurité publique ; la police nationale et la gendarmerie d’une part, les polices municipales et les acteurs privés de la sécurité d’autre part. En réalité, vous justifiez dans ce texte le transfert des compétences des premières vers les autres, que nous dénonçons depuis des années, au nom de l’efficacité et au nom de la justice, en fidélité à l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. En effet, le désengagement des forces régaliennes sur le terrain est une source supplémentaire d’inégalité entre les territoires : il suffit de traverser les quartiers et les villes de la banlieue parisienne pour constater qu’on ne peut pas parler de la police municipale, mais bien des polices municipales, tant les missions et surtout les moyens varient d’une ville à l’autre.

Cette disparité heurte le principe selon lequel l’État est le garant de la sécurité sur l’ensemble du territoire de la République une et indivisible, qu’il est le moyen de se prémunir contre les disparités, en particulier celle entre une sécurité de riches pour les riches et d’une sécurité de pauvres pour les pauvres. Comment nier qu’il s’agit bien une question de justice quand on sait qu’en Seine-Saint-Denis, un officier de police judiciaire traite en moyenne trois cents dossiers quand son collègue de la ville voisine de Paris n’en suit que quatre-vingts ?

Quant à l’accroissement des prérogatives des agents et des entreprises de sécurité privée, votre texte est bien insuffisant pour moraliser et homogénéiser ce secteur en pleine expansion. Votre refus de retenir ceux de nos amendements qui visaient à interdire ou du moins à limiter significativement la sous-traitance en est l’illustration. Au contraire, le risque est grand de voir la sécurité publique s’ubériser, ce secteur étant déjà très coutumier des contrats précaires, parfois à la limite du droit du travail voire du droit tout court.

Outre que cette loi rate sa cible sur le terrain de l’efficacité, de la régulation et de la justice, vous ne nous rassurez pas non plus sur celui des libertés. L’équilibre indispensable entre la protection des libertés publiques et individuelles et l’effectivité de l’intervention des forces de l’ordre n’est pas au rendez-vous, qu’il s’agisse de l’insuffisance de l’encadrement de la captation d’images et de l’usage des drones qui font peser des menaces bien réelles sur le respect des libertés et la protection des données personnelles, ou bien sûr de l’article 24, même réécrit.

Mes chers collègues, nous attendons toujours la grande loi d’orientation qui remette la police sur ses deux jambes, celle de la répression et celle de la prévention, l’efficacité de la première dépendant de celle de la seconde ; une loi qui fonde la police plus sur l’humain et moins sur le marché, l’algorithme ou le drone, une loi qui rétablisse la confiance du peuple envers celles et ceux qui les protègent, une loi enfin qui donne à la police les moyens qui lui font tant défaut et qui restent, si j’en crois mes contacts dans la profession, sa première préoccupation, et de loin.

Cette loi que nous attendons depuis plus de vingt ans, nous l’aurions votée avec enthousiasme. Celle-ci, malheureusement, nous voterons contre.

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