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Loi « Sécurité globale »

L’Assemblée examine la loi dites de «Sécurité globale» qui prétend mieux coordonner les forces de polices et de gendarmerie avec les polices municipales et les agents de sécurités privées.

Une loi «Sécurité globale» ne permettra pas de reconquérir le terrain perdu, par exemple avec la suppression de la police de proximité, ni d’accélérer les procédures ou d’avoir plus d’agents dans nos quartiers, de jour comme de nuit.

Au contraire, elle risque d’encourager le développement des polices municipales et des officines de sécurité privées. Avec comme conséquence, une sécurité de riche dans les villes riches, et une sécurité sans moyen dans les villes les plus populaires.

Lors du débat général, j’ai exprimé mes inquiétudes et réserves contre cette proposition de loi en trompe-l’oeil et qui en outre porte des dispositions potentiellement liberticides.

Le texte de mon intervention

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes chers collègues,

Vivre paisiblement, sans crainte de se voir soi-même ou ses proches, ni insultés, ni molestés, ni privés du peu dont on dispose, telle est l’aspiration légitime de l’ensemble de nos compatriotes. Et vous le savez, ce sont les territoires les plus en difficulté et les populations les plus fragiles qui sont les plus exposées à l’insécurité et à la délinquance du quotidien. Or sur ce terrain, depuis deux décennies et malgré les déclarations d’intention, on a plus souvent défait que construit.

Qui pourrait contester que pour protéger au mieux nos concitoyens, il ne soit pas nécessaire de bien articuler les relations et missions sur le terrain des 250 000 agents qui composent les forces de sécurité de l’État d’une part, les 21 500 policiers municipaux d’autre part et enfin les 165 000 agents privés de sécurité ?

Pour les députés communistes, définir précisément le périmètre, le rôle et les missions de chacun est d’autant plus nécessaire que cette mobilisation « globale » ne doit en aucun cas engendrer une confusion de compétences entre ces différentes forces.

Or, si l’État ne dispose plus aujourd’hui du monopole de la sécurité, celle-ci reste une prérogative régalienne qui « se traduit par le fait que l’État reste la clef de voûte de ces secteurs, dont il fixe l’architecture d’ensemble et qu’il continue de superviser »1, pour reprendre l’expression du Professeur Jacques Chevallier.

C’est pourquoi nous entendons réaffirmer solennellement notre attachement à la police républicaine, une police au service de tous les citoyens qui leur assure une protection égale sur l’ensemble du territoire de la République. Et c’est pour nous dans ce cadre, que doit s’inscrire tout projet de reconstruction d’une police de proximité dont nous voyons bien, après qu’elle fût sciemment démantelée, l’utilité tant en matière de prévention et de répression que de renseignement.

Les questions soulevées par cette proposition de loi sont d’une grande complexité. C’est pourquoi nous aurions souhaité l’examiner à l’aune du livre blanc de la Sécurité intérieure. De même, nous regrettons de ne pas disposer d’étude d’impact ni d’avis du Conseil d’État. Nous le déplorons d’autant plus que le texte, présenté en procédure accélérée, excède largement l’ambition première des rapporteurs. Il a été augmenté des dispositions voulues et annoncées par le Gouvernement. Je pense en particulier aux dispositifs sur l’usage des drones et sur la diffusion d’images des policiers et gendarmes.

Tout nouveau rapprochement des missions des agents de police municipale de celles des forces nationales, et tout transfert de pouvoirs judiciaires aux policiers municipaux, risquerait de justifier une nouvelle vague de désengagement de l’État de sa mission régalienne.

Ce serait une source supplémentaire d’inégalités entre les territoires car on ne peut pas parler de « la » police municipale mais « des » polices municipales qui d’une ville à l’autre peuvent être très différentes dans leurs missions, leur doctrine et leur effectif.

Nous nous opposons à cette évolution. C’est une question de justice et d’efficacité.

De justice car réaffirmer que l’État est le garant de la sécurité sur l’ensemble du territoire de la République, une et indivisible, c’est se prémunir contres les disparités, l’existence d’une sécurité de riche pour les riches et d’une sécurité de pauvre pour les pauvres. Ce n’est pas une simple formule : quand en Seine-Saint-Denis, un officier de police judiciaire suit en moyenne 300 dossiers, son collègue parisien en traite 80.

C’est aussi une question d’efficacité. Dans un contexte de menaces nouvelles, menaces terroristes, mais aussi de crise sanitaire inédite, de crise sociale aggravée, l’Etat de droit doit être conforté.

S’agissant des agents de sécurité privée, nous sommes également très vigilants. La régulation de ce secteur en pleine expansion est indispensable. Or, qu’il s’agisse des règles de sous-traitance, des sanctions disciplinaires ou plus largement de la moralisation et de l’homogénéisation du secteur, le texte présenté répond insuffisamment aux faiblesses structurelles existantes.

Enfin, s’agissant du recours aux dispositifs de vidéoprotection et de captation d’images, nous alertons sur le fait qu’ils ne doivent en aucun cas porter atteinte aux droits fondamentaux. Nous sommes conscients des risques et favorables à protéger et à davantage sanctionner les menaces ou les violences à l’égard des détenteurs de l’autorité publique : les policiers bien-sûr, les élus, les enseignants, les gardiens d’immeuble.

Pour autant, la liberté de la presse et le droit à l’information relatifs aux interventions de police sont indispensable à notre vie démocratique. La police républicaine, au service de tous les citoyens, doit être bien identifiée et bien identifiable.

Mes chers collègues, l’efficacité de la réponse policière au besoin de sécurité de nos concitoyens ne passera pas par plus de confusion, mais par le rétablissement du lien de confiance entre population et forces de l’ordre, articulant alors efficacement les mesures de prévention et celles de répression. Tel n’est malheureusement pas l’objet de cette proposition de loi.

1 J. Chevallier, « La police est‐elle encore une activité régalienne ? », Archives de politique criminelle, n°33, 2011, p. 13‐27

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