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Prolongation de l’état d’urgence sanitaire

Le gouvernement a décidé de prolonger l’état d’urgence sanitaire jusqu’en avril 2021, faisant d’un régime d’exception la norme. Une prolongation d’autant à la fois dangereuse car elle renforce les pouvoirs administratifs et restreints nos libertés sans faire preuve d’une réelle efficacité. Retrouvez mon intervention dans le débat à l’Assemblée nationale sur le sujet.

Le texte de mon intervention

La sortie de l’état d’urgence est aujourd’hui un horizon qui s’éloigne à mesure que l’on semble s’en approcher….

Conçu pour répondre à un péril imminent, l’état d’urgence est censé être strictement limité dans le temps et sous le contrôle du Parlement.

C’est la raison pour laquelle une levée de l’état d’urgence ne s’aménage pas de façon progressive. L’état d’urgence se lève dans sa totalité pour mettre fin à un régime d’exception qui, par essence, porte gravement atteinte aux libertés fondamentales.

C’est ce que nous avions souligné lorsque le gouvernement a mis en œuvre, par la loi du 9 juillet dernier, un régime juridique hybride.

Réduisant la portée de l’état d’urgence sanitaire tel que défini par la loi du 23 mars 2020, mais maintenant des pouvoirs exceptionnels de restriction des libertés fondamentales aux mains du gouvernement, le régime transitoire actuel brouille les frontières entre droit commun et régime dérogatoire.

Or, c’est précisément cet « état d’urgence innommé », pour reprendre l’expression du professeur Hennette-Vauchez, que ce projet de loi entend proroger jusqu’au 1er avril 2021.

La contradiction du gouvernement est majeure. Il reconnait que les conditions d’un état d’urgence sanitaire ne sont plus réunies mais estime nécessaire d’octroyer des pouvoirs exorbitants aux autorités administratives.

Le risque est l’accoutumance à un régime dérogatoire du droit commun qui maintien l’exécutif dans une zone de confort puis la banalisation de ce régime par l’intégration dans le droit commun de dispositifs exceptionnels.

Cette évolution est bien réelle, la prorogation d’un régime juridique dit « transitoire » ravive légitimement les craintes d’une normalisation des mesures de l’état d’urgence sanitaire – comme cela avait été le cas avec l’état d’urgence décrété après les attentats de novembre 2015, puis constamment renouvelé avant de voir ses principales dispositions pérennisées par la loi sur la sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme (SILT) du 30 octobre 2017. En ce sens, le gouvernement nous annonce, aujourd’hui, un projet de loi d’ici janvier 2021 visant, précisément, à instituer un « dispositif pérenne de gestion de l’urgence sanitaire ».

S’il ne s’agit en aucun cas de minimiser la crise sanitaire, si l’on doit certes, pour le moment, s’habituer à vivre avec le virus et adopter toutes les mesures sanitaires pour s’en prémunir, l’on ne doit surtout pas s’habituer à vivre dans un Etat où l’exception devient la règle, au mépris des libertés.

La sortie de l’état d’urgence sanitaire doit signifier que la liberté redevient la règle : le droit d’aller et venir, le droit de se rassembler et de manifester.

Rappelons que le 13 juin dernier, le Conseil d’Etat a jugé que les décrets pris en application de l’état d’urgence interdisant tout rassemblement de plus de dix personnes portaient une atteinte «grave et manifestement illégale» à la liberté fondamentale de manifester. Le gouvernement a donc adapté le régime de la liberté de manifestation en période d’état d’urgence sanitaire : une interdiction de principe, assortie de la possibilité pour le préfet d’autoriser telle ou telle manifestation, sans toutefois que les critères à prendre en compte soient clairement définis. A l’heure où les plans sociaux se multiplient, cette entorse au droit de manifester est très inquiétante.

Ce projet de loi dangereux paraît, en outre, inutile.

En cas de recrudescence de l’épidémie, plusieurs dispositifs juridiques du droit commun pourraient être utilisés :

D’une part, l’article L. 3131-1 du Code de la santé publique permet au ministre de la santé de prendre « toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances » en cas de menace d’épidémie.

D’autre part, en cas de nouveau pic de contamination, rien n’empêcherait le Gouvernement de recourir, une nouvelle fois, à l’état d’urgence sanitaire, par décret en conseil des ministres, conformément à l’article L.3131-13 du Code de la santé publique.

Enfin, rappelons que les autorités locales de police administrative sont habilitées à adopter toutes les dispositions préventives nécessitées par les circonstances sanitaires locales particulières, le 5° de l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales faisant entrer la prévention des maladies épidémiques ou contagieuses dans les obligations de la police municipale.

L’enjeu n’est pas aujourd’hui de vous confier toujours plus de pouvoirs pour restreindre les libertés publiques mais au contraire de mieux contrôler votre action. Il s’agit d’empêcher les dysfonctionnements, de faire toute la transparence sur votre gestion calamiteuse de la crise. Il s’agit de faire la lumière sur les incohérences et less mensonges dont nos concitoyens pâtissent toujours. Après le scandale des masques, je pense, en particulier, au scandale des tests et au manque de moyens dans les centres de dépistages et les hôpitaux.

Nous voterons donc résolument contre ce texte qui acte le glissement progressif vers un mode de gouvernement par l’exception.

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