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Répondre à la demande de participation citoyenne

L’Assemblée examine aujourd’hui une proposition de loi issue du groupe la France Insoumise pour la mise en création d’un Referendum d’initiative citoyenne (RIC). Je suis intervenu pour dire notre intérêt pour un projet qui est en débat dans tout le pays, sur tous les ronds-points, avec bien sûr des nuances que nous aurons l’occasion de préciser dans la proposition que les députés communistes vont déposer prochaine sur le sujet.

Mon intervention en séance

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre
Monsieur le rapporteur
Mes chers collègues,

Nous avons à discuter aujourd’hui de la proposition de loi constitutionnelle de nos collègues de la France Insoumise, visant à introduire le référendum d’initiative citoyenne.

En préalable à notre propos, nous souhaitons souligner la cohérence intellectuelle de nos collègues de la France Insoumise. Cette proposition figurait d’ailleurs au programme du candidat Jean-Luc Mélenchon en 2012 et en 2017. Ainsi, nul ne peut dresser ici un procès en opportunisme.

Au fond, l’examen de ce texte a le mérite de mettre en exergue la profondeur de la crise démocratique que nous connaissons, crise sans précédent depuis le début du XXI siècle.

Cette crise affecte principalement la légitimité des institutions traditionnelles de la représentation. Elle génère de la défiance, inédite par son ampleur, de la part des citoyens à l’égard des élus, de l’indifférence qui se traduit par l’abstention, de l’exaspération et de la radicalisation.Une distanciation qui croit également à mesure que l’expertise citoyenne s’aiguise. Ces derniers, toujours plus éclairés grâce à l’accès aux études et à la démocratisation du savoir, aspirent légitimement à un plus grand partage de la prise de décision politique.
Parallèlement, cette défiance citoyenne à l’égard de la représentation politique est exacerbée par la rigidité du cadre constitutionnel. Voulue comme telle par ses pères fondateurs, la Ve république consacre de façon disproportionnée le parlementarisme rationalisé. Elle confère au pouvoir exécutif dispose de pouvoirs sans équivalents dans les autres régimes démocratiques, avec un Parlementtrop souvent contraint à suivre le rythme dicté par le gouvernement. Dans ce logiciel ancien, la participation citoyenne est la portion congrue du jeu démocratique.
Et les réformes successives n’ont rien arranger, au lieu de tirer vers le citoyen, elle ont plutôt conforté l’effet pyramide. Avec l’instauration du quinquennat présidentiel en 2000 et la synchronisation du calendrier électoral, les épisodes de cohabitation sont devenus beaucoup plus hypothétiques. La prééminence du président de la République s’est renforcée, en accentuant « le fait majoritaire », qui veut que le président élu entraîne dans son sillage la formation d’une « majorité présidentielle » à l’Assemblée nationale. Pour le pluralisme politique, le tribut est lourd à payer.

Dans ce contexte, les Françaises et les Français ont le sentiment d’être réduits au silence, tout au plus consultés à l’occasion des élections présidentielles et législatives tous les cinq ans, sans que jamais ils ne puissent de nouveau intervenir dans la vie politique nationale : pour évaluer, proposer.

Il est donc parfaitement compréhensible que , compte tenu de ce sentiment d’impuissance,le référendum d’initiative citoyenne ait de nouveau surgi dans le débat public, par l’intermédiaire du mouvement des gilets jaunes, en tant qu’outil capable de résoudre cette impasse.

Oui, nous avons besoin de faire vivre notre fonctionnement démocratique. Et il faudra expliquer à notre Assemblée en quoi, donner plus souvent la parole à nos concitoyens, menacerait la démocratie représentative ?

Le référendum a partie liée avec l’histoire de notre pays. Les Girondins, en premier lieu, avaient imaginé un projet de constitution dans lequel le peuple pouvait exercer un droit de censure populaire des actes parlementaires. Puis, ce fut au tour des Montagnards d’utiliser le référendum afin de soumettre à la votation citoyenne la constitution de 1793, constitution la plus démocratique jamais écrite dans notre pays.

D’ailleurs, en héritage de cette histoire politique, notre Constitution dispose que « La Souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. ».

N’en déplaise à ses contradicteurs, les arguments en faveur du référendum d’initiative citoyenne ne manquent pas.
En premier lieu, nous le constatons dans les pays où les votations citoyennes sont nombreuses, la consultation des citoyens élève le niveau de politisation dans la population. Trop souvent, il est fait reproche aux Français et aux Françaises de rester apathique face aux événements politiques. Or, nous le constatons avec le mouvement des gilets jaunes, les citoyens s’intéressent de nouveau à des questions autrefois délaissées : qu’il s’agisse des institutions, de la fiscalité, de l’emploi ou de la solidarité. C’est une bonne nouvelle.

Le référendum de 2005 sur le traité constitutionnel européen (TCE) est à ce titre exemplaire. Il fut un intense moment démocratique. Pendant plusieurs mois, des millions de citoyens ont échangé et débattu autour de tel ou tel amendement constitutionnel, sur internet et dans des réunions publiques. Un investissement exemplaire d’un peuple dont personne n’attendait qu’il manifeste un tel niveau de conscience et de responsabilité, engagement malheureusement trahit par le non-respect de suffrages pourtant clairement exprimés.

Non, le référendum n’est pas un objet déraisonnable. L’exemple suisse démontre que les citoyens sont tout à fait capables de de saisir les enjeux, même les plus complexes, de questions qui le concerne. La plupart du temps, la population helvète opte pour le maintien des droits fondamentaux et choisit une voie tournée vers l’avenir. Au tre exemple, l’Uruguay, qui dispose également d’un RIC, est désormais toujours mieux classé que la France dans les index internationaux qui mesurent le respect des droits civiques.

Non, le référendum d’initiative citoyenne n’est pas l’ennemi de la démocratie représentative. Au contraire il permet de concilier les vertus du système représentatif et de la démocratie directe, afin, comme le rappelait Claude Lefort, d’allier ces deux principes apparemment contradictoires de la démocratie : l’un que le pouvoir émane du peuple, l’autre qu’il n’est le pouvoir de personne.

Toutefois, nous souhaitons apporter quelques nuances au débat. Notre groupe n’est pas favorable au référendum révocatoire. Si nous saluons l’esprit salutaire qui anime ce dispositif et parce que nous pensons qu’il va dans le bon sens, nous ne voulons pas passer sous silence les dérives qui pourraient aussi en résulter. Ce fut le cas aux États-Unis en 2013, lorsqu’un sénateur du Colorado, John Morse, s’est vu destitué de son mandat après le lancement d’une procédure révocatoire lancée par la NRA. Les sénateurs avaient approuvé un projet de loi réduisant entre autres la taille des chargeurs de grande capacité des armes automatiques en vente libre. Une confortable majorité de « oui » a permis de le révoquer.

Dans la proposition de loi que nous déposerons très prochainement, nous retiendrons les dimensions législatives et abrogatoires du référendum d’initiative citoyenne. Néanmoins, à la différence de nos collègues et afin de se prévaloir de toutes dérives éventuelles, nous souhaitons que tout projet référendaire soit assujetti à un contrôle a priori du Conseil constitutionnel. Ce dernier devra s’assurer que les droits et les libertés fondamentaux soient respectés.

En matière de droits fondamentaux, l’excès de prudence n’est jamais superflu. Il convient de s’assurer que le référendum ne peut pas être détourné de son intérêt premier par des groupes de pression désireux d’établir ou de rétablir des dispositions contraire aux droits de l’Homme.

De façon complémentaire, en mémoire du douloureux souvenir du référendum de 2005, nous voulons pas que le Parlement puisse voter une disposition qui serait en contradiction avec le résultat d’un référendum datant de moins de dix ans.
Ce vote a laissé une trace tenace la mémoire collective. À cette occasion, la voix du peuple français n’a pas été respectée par ses dirigeants politiques, ce qui a constitué un véritable déchirement démocratique, dont les effets sont encore ressentis aujourd’hui.

Bien sûr le référendum d’initiative citoyenne ne suffira pas à résoudre à lui seul la crise démocratique. Pour y parvenir, la Ve république doit être modifiée, voire dépassée, afin de redonner toutes ses lettres de noblesse au régime parlementaire. Néanmoins, il peut être une avancée démocratique réelle et complémentaire de la démocratie représentative, susceptible de redynamiser considérablement la vie politique française. L’urgence est réelle, nos concitoyens ont soif de démocratie.

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