skip to Main Content

Commémoration du 19 mars 1962

Le 19 mars 1962 à midi, prenait fin la guerre d’Algérie. Les accords d’Évian signés la veille ouvraient enfin la voie de l’indépendance pour l’Algérie. Soixante et un an plus tard, en ce 19 mars, j’ai participé à Saint-Denis à la commémoration de souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.

Nous avons commémoré la fin de 8 années de souffrances, pour les soldats, les combattants et pour les populations civiles. La fin d’une guerre que la France mena contre le peuple algérien de 1954 à 1962. Une guerre qui trop longtemps ne voulut pas dire son nom puisqu’il fallut attendre 1999 pour que le parlement français reconnaisse officiellement l’utilisation de ce mot.

Ce fût bien une guerre, par l’ampleur des moyens déployés, par le très lourd bilan, avec probablement près de 300.000 morts, civils et militaires, très majoritairement parmi la population algérienne et des milliers de disparus.

Mais ce 19 mars 1962, ne sonne pas seulement la fin de la guerre. C’est aussi la fin de 132 années de domination.132 années d’une mécanique infernale, érigeant la servitude d’un peuple en système, en horizon : la colonisation.

Retrouvez le discours que j’ai prononcé à cette occasion :

Mon intervention

Madame, Monsieur,

Le 19 mars 1962 à midi, prenait fin la guerre d’Algérie. Les accords d’Évian signés la veille ouvraient enfin la voie de l’indépendance pour l’Algérie. Soixante et un an plus tard, en ce 19 mars, notre présence ici-même ce matin revêt plusieurs significations qui s’épaulent les unes les autres, et font sens commun.

Ce que nous commémorons, c’est d’abord la fin de 8 années de souffrances, pour les soldats, les combattants et pour les populations civiles. La fin d’une guerre que la France mena contre le peuple algérien de 1954 à 1962. Une guerre qui trop longtemps ne voulut pas dire son nom puisqu’il fallut attendre 1999 pour que le parlement français reconnaisse officiellement l’utilisation de ce mot.

Pourtant, ce fût bien une guerre, par l’ampleur des moyens déployés, par le très lourd bilan, avec probablement près de 300.000 morts, civils et militaires, très majoritairement parmi la population algérienne.

Une guerre, et même une sale guerre, où l’armée française eut recours pour semer la terreur, à des méthodes qui ne sauraient être celles d’une très grande démocratie. Ainsi, ce sont 3.000 hommes et femmes, parce qu’engagés pour la libération de l’Algérie, ou soupçonnés de l’être, qui furent arrêtés, enfermés, torturés, exécutés sommairement avant de disparaître sans laisser de trace : ce sont les disparus d’Algérie sur lesquels le voile du silence d’État commence à se déchirer, notamment depuis la reconnaissance par le Président de la République de la responsabilité de l’armée dans la disparition du mathématicien et militant du parti communiste algérien, Maurice Audin.

Une guerre où les populations humiliées furent déplacés ou parquées dans des « camps de regroupement », pour plus d’un tiers des 10 millions de « français musulmans d’Algérie » comme on disait alors. Et parmi les souffrances de tous les civils, je n’oublie pas celles des 650 000 français conduits au terme de la guerre, à quitter l’Algérie, arrachés à cette terre où beaucoup pourtant étaient nés.

Mais ce 19 mars 1962, ne sonne pas seulement la fin de la guerre. C’est aussi la fin de 132 années de domination, d’une colonisation entreprise en 1830 par le roi Charles X, d’abord pour redorer le blason d’une monarchie épuisée, mais qui se rêvait conquérante. 132 années d’une mécanique infernale, érigeant la servitude d’un peuple en système, en horizon : la colonisation.

Là aussi, qu’il sera long et difficile le chemin pour reconnaître et exprimer que la France, pays des Lumières, de la Grande révolution qui nous proclamait tous égaux, par de-là notre naissance, cette France dont nous admirons tous la promesse universelle de liberté, d’égalité et de fraternité, fût aussi engagée dans des entreprises de soumission et d’oppression de masse.

Et disons-le, nous ne sommes pas encore parvenus au terme de ce chemin de vérité. Car si 1962 désigne enfin le crépuscule de la colonisation française, l’imaginaire colonial associant la grandeur de la France à l’ordre injuste qu’elle imposa aux peuples de son Empire, tarde aujourd’hui même à se dissiper. Je le dis, c’est bien le même imaginaire rance qui continue de gangréner les esprits et s’exprime notamment dans les logiques de racisation, résumant l’individu à la couleur de sa peau, c’est à dire à son origine, et non à son devenir.

Or justement, c’est aussi la liberté d’advenir, la possibilité pour un peuple de se construire un avenir que nous commérons aujourd’hui. 1962 en est devenu le symbole pour bien des peuples vivant sous le joug de l’oppression : celui du droit à l’indépendance. Oui, 1962 est « une année qui fait révolution » au sens où « elle bouleverse le rapport au passé, au présent et à l’avenir » selon les mots de l’historienne franco-algérienne, Malika Rahal.

Ce symbole continue de faire sens auprès de tous les peuples qui se cherchent un avenir souverain, et j’ai une pensée particulière à cette heure pour le peuple palestinien qui aujourd’hui encore affronte la même entreprise de négation de son destin.

Je parlais tout à l’heure du chemin, chemin de guérison sur lequel nous avançons toujours. Je veux y voir justement une preuve de grandeur. C’est pourquoi, je rejoins l’homme d’État algérien, Redha Malek, disparu en 2017 qui affirmait que ce travail est « une victoire de la France sur elle-même ».

Ce chemin est semé de jalons, comme la loi instaurant en ce 19 mars une journée où la Nation commémore les morts et victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie, et des combats au Maroc et en Tunisie.

Il en faudra d’autres. C’est la condition pour que nos peuples puissent, comme nous y aspirons désormais, se forger un avenir commun de paix, d’amitié et de fraternité.

Je vous remercie.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Back To Top