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« Les HLM représentent plus que jamais une réponse adaptée à la crise du logement » – ma tribune dans Le Monde

Le président jupitérien de la République française se met-il dans les pas de la Dame de fer première ministre britannique qui, au milieu des années 80 du siècle dernier, avait mis à bas le logement social outre Manche ? Rien n’est encore définitif mais les dernières décisions le laissent craindre.

Le coup de rabot de 5 euros sur les APL, qualifié dans un premier temps de « connerie sans nom » par Emmanuel Macron, semble destiné à durer alors qu’il devait être exceptionnel. Mais l’article 52 du projet de loi de finances, qui provoque une colère légitime et une mobilisation forte de l’ensemble du mouvement HLM, va beaucoup plus loin. Il prévoit en effet une baisse supplémentaire des aides personnalisées dont bénéficient les locataires du logement social, de 60 euros minimum mais pouvant dépasser 100 euros mensuels. J’ai proposé, en commission à l’Assemblée nationale, un moratoire sur cet article qui fait débat jusque dans les rangs même des parlementaires de la République en marche. Ce délai de réflexion serait une marque d’apaisement de la part du gouvernement.

La France a une histoire singulière et centenaire en matière de logement. Nous avons d’abord inventé le secteur de l’économie sociale et solidaire à travers les Habitations Bon Marché. La célèbre loi Bonnevay de 1912 a ouvert la voie au modèle HLM avant d’être une première fois mise à mal, il y a quarante ans, quand l’Etat a décidé de ralentir son effort initié après l’appel de l’abbé Pierre en 1954. Quand il a pensé qu’en laissant la place libre au marché privé le pays pourrait répondre aux évolutions démographiques. La loi Raymond Barre du 3 janvier 1977 marque le point de départ du désengagement financier de l’Etat, en transférant les aides à la pierre sur les aides aux ménages. Ce choix fût une erreur majeure d’appréciation, tant sur le plan démographique qu’en terme d’évolution des modes de vie. La suite nous a prouvé que le marché ne peut être le principal pivot des réponses à apporter, tout simplement parce que le logement n’est pas une simple marchandise. A l’instar de la santé ou de l’éducation, il s’agit à la fois d’un droit et d’un bien de première nécessité.

D’ailleurs, tous les pays qui ont fait une confiance aveugle au marché ont sombré dans la crise: les Etats-Unis, l’Espagne, le Portugal, la Grèce…Les rêves de propriété vendus par les marchands de subprimes se sont transformés en cauchemar. En France même, le crédit immobilier est la première cause d’endettement des ménages et les angoisses face aux mensualités à rembourser s’ajoutent à celles du chômage. Faire du marché l’alpha et l’oméga de notre politique en matière de logement, c’est ouvrir la porte à toutes les dérives spéculatives que décuple aujourd’hui notre économie financiarisée.

Cette économie, Emmanuel Macron la connaît et la cajole. C’est sans doute pour cette raison qu’il ne parle pas le même langage que les bailleurs sociaux. Son discours sur la « cagnotte » des organismes HLM le prouve : j’ai présidé celui de Plaine Commune Habitat pendant 12 ans jusqu’à mon élection à l’Assemblée en juin dernier. PCH réalise environs chaque année une marge de 10 millions d’euros. Cette somme, Monsieur le président de la République, ne rémunère pas des dividendes, ne gonfle pas le capital d’actionnaires. Elle est réinvestie pour entretenir et réhabiliter le patrimoine existant et construire de nouveaux logements. La « cagnotte » n’est pas honteuse, elle est utile. Je note d’ailleurs au passage que les établissements publics sont doublement vilipendés : quand ils sont déficitaires, c’est un classique mais aussi, et c’est nouveau, lorsqu’ils sont bénéficiaires et donc en capacité de réinjecter leur autofinancement dans l’économie réelle.

Le logement social – 500 organismes environs en France, 4,5 millions de logements et 11 millions de personnes qui y habitent- est le toit de celles et ceux qui n’ont que leur force de travail pour revenu. Il est non seulement un moyen pour préserver leur dignité mais aussi une arme contre les dérives spéculatives qui ont toujours eu comme point de départ la rente foncière. Les HLM, rappelons-le, ont des loyers conventionnés, strictement encadrés, et ne nourrissent donc pas la machine inflationniste.

Le modèle HLM ne se gère pas comme une start-up. Il repose sur trois fondements : le Livret A et la Caisse des Dépôts et Consignations, le 1% logement, les aides publiques (Etat, collectivités locales, etc…), c’est-à-dire l’alliance d’un interventionnisme public garant d’un droit fondamental de la personne humaine et d’une épargne populaire sécurisée. Il présente la caractéristique d’être juste socialement, efficace économiquement car les HLM instaurent une responsabilité partagée vis-à-vis de ce bien particulier qu’est un logement et garantissent un niveau de service et d’entretien tout en étant économe d’argent public. C’est pourquoi il représente plus que jamais une réponse adaptée en termes de politique du logement. Et c’est pour cette raison que le logement social est l’une des solutions à la crise du logement.

Stéphane Peu, député de Seine-Saint-Denis
Vice-président de la fédération nationale des OPH

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